LA RETRAITE PAR REPARTITION FACE A L'EVOLUTION ECONOMIQUE ET SOCIALE...

I - LES PHASES HISTORIQUES DÉTERMINANTES

La période des "Trente Glorieuses" (1945-1975)

Cette première phase ne fût glorieuse dans son début que par la paix retrouvée mais c'est durant cette période d'exceptionnelle croissance qui s'instaure après la guerre qu'un compromis social s'établit pour maintenir un nouveau modèle de gestion de la vieillesse, basé sur un concept de retraite obligatoire et son financement par répartition.

Le plein emploi et la forte croissance (typiquement 5,5% par an) ont créé un environnement sécuritaire pour les acteurs du " baby-boom "; cette situation heureuse mais imprévue de la démographie sera cependant déstabilisante sur le long terme. Pendant cette période, le taux de mortalité baisse considérablement par les progrès de la médecine. Le rajeunissement de la population réduit mécaniquement le ratio décès/population tandis que le taux de mortalité infantile suit le même mouvement.

Un cercle vertueux s'est développé durant ces décennies qui suivirent la Seconde Guerre Mondiale. L'offre de produits nouveaux issus de l'innovation répondait à une croissance de la demande gonflée par l'augmentation des salaires permise par les progrès de la productivité. Le progrès social n'était plus seulement envisagé comme un coût pour l'économie. Mais le premier choc pétrolier (1973-1974) prédisposera aux chocs, crises et turbulences.

Le ralentissement de la croissance (1975-1980)

Après le premier choc pétrolier , malgré des reprises d'activités passagères, une montée irrésistible du chômage apparaît comme un phénomène de long terme faisant partie du tissu socio-économique et qui deviendra plus tard sélectif : chômage d'insertion pour les jeunes, chômage de longue durée pour les travailleurs les moins qualifiés,... Le milieu des années 1970 marque un renversement de tendance en matière de croissance économique . La dynamique de produits innovants s'épuise et n'est pas relayée par l'offre d'une nouvelle gamme de produits susceptible de relancer l'activité économique tandis que l'offre des pays en voie de développement s'amorce. La compétitivité externe commence à être recherchée. Les premiers effets déstructurants du progrès technique (innovations de processus) se font sentir sur le niveau de l'emploi. Le dilemme du partage salaires-profits débouche sur l'inflation qui s'accélère par la hausse du prix des hydrocarbures. Pendant cette période le taux de croissance est de l'ordre de 2,9% tandis que le cap du million de chômeurs est atteint en 1977.

La politique de désinflation compétitive (1980-1990)

Le différentiel de croissance s'inverse au détriment de la France. Dans une atmosphère d'ouverture à la concurrence une crise de rentabilité des entreprises se double d'une baisse conséquente de productivité globale. En 1982, les deux millions de chômeurs sont atteints. Un échec social se profile. Le dérapage inflationniste du début de cette période est inversé en 1983 et favorisé par la fin de la crise de l'énergie. La profitabilité des entreprises se redresse et une stratégie de croissance externe de celles-ci est engagée tant par le recours au marché financier que par l'investissement direct à l'étranger. Les politiques restrictives (hausse des taux d'intérêt, volonté de maîtriser le déficit budgétaire, stagnation des salaires ) auront comme conséquences la baisse de la demande interne qui accélère le chômage.

La récession (1990-1996)

A partir de 1990 l'inflation est contenue au-dessous de 3% et la récession se confirme. Les dépenses sociales sont alors orientées à la hausse. Une croissance de 2% ou 2,5% par an ne suffit plus à assurer une régression spectaculaire du chômage. La hausse des exportations ne saurait remplacer l'importance du marché intérieur. La mutation multiforme que connaît la France prend un visage social. Après la récession de 1993, le nombre des demandeurs d'emplois atteint le niveau historique de 3 349 000 (juin 1994). La régression de l'emploi industriel est particulièrement forte en deux décennies. Ce repli est, en partie, compensé par la croissance du secteur tertiaire , principalement dans les services aux entreprises. Si en cinquante ans la production française est multipliée par cinq, en 1997 la performance sociale de la France est inférieure à sa performance économique.

La rupture de la croissance est de toute évidence la cause la plus immédiate mais aussi la plus complexe du chômage. Un nouveau modèle de croissance s'imposerait alors, basée sur une économie de la société toute entière, et qui devrait rapprocher l'économie de la demande sociale réelle et non la cantonner à la seule production marchande. Cependant la contrainte extérieure est de plus en plus forte, la politique économique et sociale doit intégrer une mondialisation de l'économie.

L'inflation relancée au moments des deux chocs pétroliers s'est accompagnée d'une faiblesse du taux de croissance de la production. Puis la politique du franc fort et de désinflation compétitive, en améliorant la compétitivité-prix des entreprises en France, a été conduite avec des taux d'intérêt réels pénalisants qui demeurent élevés. La croissance économique est tirée par le commerce extérieur mais souffre d'une demande intérieure atone depuis le début de la décennie . Cette croissance en 1997 (2,3% observés) dépendra pour plus d'un tiers de l'excédent extérieur. L'investissement demeure faible, de sorte que son niveau demeurera encore cette année 97 inférieur de 15% , en francs constants, à celui de 1990. Enfin les politiques de convergences européennes ont favorisé la lutte contre l'inflation mais apparaissent bien avoir suractivité le chômage. Le chômage, le manque d'investissements et les déficits publics résultent tous du manque de perspectives de croissance claires et de l'absence de modèle social européen pour améliorer les marchés de l'emploi.

L'infléchissement du chômage face à la crise financière (1997-1998)

Le ralentissement de l'activité en cette fin d'année 98, dans un environnement international dégradé par la crise des pays émergents, autorisera néanmoins une croissance de 3% pour l'exercice grâce à une dynamique de la demande interne retrouvée, une bonne tenue de la production industrielle et un reflux du chômage . Le chômage en France tombe vers 11,7% de la population active et devient un risque banalisé quelquesoit l'âge. La qualification professionnelle est un rempart contre l'exclusion. Le chômage de précarité chez les jeunes de moins de 30 ans (35% des allocataires) est le mode dominant en relation avec un faible niveau de qualification.

 

La reprise de la croissance (1999-2000)

Trois années de reprise avec une croissance moyenne de 3,3% en France permettent une baisse significative du  chômage. La croissance est soutenue par l'évolution importante du secteur des services. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication participent aux besoins d'investissements avant que finalement éclate  la "bulle technologique".

 

 

Le ralentissement  de l'économie mondiale et le choc conjoncturel (2001)

 

Le taux chômage atteint son point le plus bas, depuis septembre 1983, en février 2001. Le repli durable du chômage repose essentiellement sur l'accélération de la croissance, l'année 2001 en France s'est terminée avec un ralentissement très net ( croissance de 2,1%).  La sensibilité de l'économie européenne, au fort ralentissement  américain et au choc de septembre 2001, a été plus forte que les estimations, le retournement du taux de chômage a été très lié aux évolutions de conjoncture. L'essoufflement des politiques de l'emploi est directement perceptible ainsi que le moindre recours à l'emploi intérimaire; la baisse du chômage s'est interrompue.

Dans ce contexte, la globalisation financière s'est accentuée avec un recul important des indices boursiers et  a généralisé un ralentissement économique qui s'est propagé sur l'année 2002.   

La recherche du cadre d'une nouvelle régulation pour " humaniser l'économie mondiale", qui est au centre des préoccupations des pays industrialisés pour mettre en place un "système financier du XXI ième siècle", est-elle utopique?

(suite: II - LA RETRAITE PAR REPARTITION DANS LE CONTEXTE ACTUEL)

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